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être exclu du spectacle
vendredi 17 avril 2020
On lui a découpé dans le derrière de la tête un morceau de crâne affectant la forme d’un segment. Avec le soleil, le monde entier regarde à l’intérieur. Cela le rend nerveux, le distrait de son travail et il se fâche de devoir, lui précisément, être exclu du spectacle.
Kafka, Journal, 9 janvier 1920
Il faudrait se taire. Même en soi. Toujours, dès qu’on garde le silence, quelque chose parle intérieurement de plus terriblement bavard encore. Dès qu’on garde le silence, c’est lui qui nous garde et on reste sous sa coupe : c’est comme les pensées juste avant de dormir : comme elles accablent. Peut-être qu’on dort simplement pour qu’elles s’effacent, ou qu’on ne soit plus en mesure de les entendre, qu’elles aillent massacrer d’autres.
Alors, il faudrait ne pas même garder le silence, le libérer plutôt, le donner en dehors de soi, s’en débarrasser une bonne fois pour toutes — même provisoirement —, ne plus avoir à faire avec ce silence plein des pensées éparses, simplement se taire et que se taise le monde, que tout ne soit que vibration, pas même, oui : rien : la nuit aussi a besoin de noir où s’évanouir pour être davantage nuit, assaut, hurlement de nuit.
Il faudrait être hurlements, dans son silence enfui. Pour ensuite mieux entendre et tenir langue et promesse.
Rêve : chambre vide avec matelas posé et café froid, cigarettes (je ne fume pas, mais elles me rassurent) très large fenêtre avec vue sur une foule immense qui me tourne le dos et crie des cris terribles.
Je ne sais pas pourquoi elle manifeste, mais j’entends chaque cri, malgré la distance : fatigue immense, alors je m’allonge, chaleur étouffante [1], être nu ne change rien et c’est soudain le soir : j’ai honte de n’avoir pas rejoint la foule.
Je lance des pierres sur la vitre qui se fend peu à peu, une pierre après l’autre, et quand je lance cette plus grosse pierre c’est le plancher qui s’affaisse et m’entraîne dans une chute sans fin et je crie et je me réveille dans le cri et ce n’est pas moi qui criais.
Sortir la nuit, hier, juste sur le seuil de la porte, pour entendre tout ce que le vent faisait au silence, à la fatigue, aux rêves de la nuit qui venait, allait emporter des rêves comme celui-là et tant d’autres de plus terrifiants que j’ai oubliés.
Je n’avais pas écouté les informations de la journée, le monde s’était peut-être abîmé quelque part où on ne le retrouverait plus.
Cette pensée était rassurante.