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Rimbaud | Les vies posthumes

120 ans après la mort de Rimbaud : aucun héritage

vendredi 11 novembre 2011


Le 10 novembre 1891, à 10h du matin (14h selon Isabelle, sa sœur, qui le veillait), Rimbaud, amputé, gangrené, paralysé du côté gauche, délirant depuis plusieurs jours, meurt à Marseille, dans une mauvaise chambre de l’hospice de la Conception – ces valises prêtes à être embarqués de nouveau au Harar.

120 ans après, dans un café des Batignolles où sans doute jadis Verlaine s’oubliait dans l’absinthe, initia même Rimbaud à cet art (pourquoi pas), je notes à la volée ces quelques phrases reportées ce soir.

Surtout, redire que 120 ans après la mort du poète, l’héritage n’est pas dans la commémoration de manuscrits fétichisés, dans l’élévation d’autels idolâtres qui réduisent les textes et l’homme qui les a produits à une religiosité de seconde main oscillant entre le ridicule et l’obscène.

Le seul legs dont on dispose, c’est une écriture qui appelle aux forces de réinvention de la vie – lire Rimbaud et interroger le secret de sa vie, ce n’est pas tenter de la cartographier pour en traquer les indices (travail de flic), mais produire en soi et dans le rapport entretenu au monde, cette exigence de violence et de remise à neuf des forces qui seules importent. Pas de salut Rimbaud. Un chemin, et des questions adressées à ces parts inconnus de soi.

Je ne sais pas où est cette vie inventée de Rimbaud à laquelle je rêve depuis deux ans et que je ne cesse de ne pas écrire. Des notes que j’accumule, peut-être que cela finira par fabriquer ce site impossible qui serait la plus juste écriture accordée à ce rêve.

Ici, je dépose, en attendant, ces quelques notes tapées et publiées sur twitter en temps réel, comme l’on dit, entre dix heures et midi, depuis les Caves Populaires, Paris 17e [1].


Il y a 120 ans jour pour jour, à Marseille, Jean Nicolas Arthur Rimbaud trouva son dernier emploi.

Il y a 120 ans, jour pour jour, commencèrent les vies nombreuses de Jean Nicolas Arthur Rimbaud.

Il y a 120 ans jour pour jour, Jean Nicolas Arthur Rimbaud rêva des rêves qu’il refusa de nous transmettre par voie postale.

Il y a 120 ans jour pour jour, à Marseille, le hurlement des dogues au passage de Jean Nicolas Arthur Rimbaud.

Il y a 120 ans jour pour jour, Jean Nicolas Arthur Rimbaud fit ce geste que l’on ne comprit pas.

Il y a 120 ans jour pour jour, Jean Nicolas Arthur Rimbaud procéda à l’échange : et légua sa gangrène aux vieux mondes.

Il y a 120 ans jour pour jour, Jean Nicolas Arthur Rimbaud dicta une lettre dans son sommeil : il y prononça son désir d’être conduit à bord.

Il y a 120 ans jour pour jour, Isabelle entreprit la quête du trou où enfouir le corps de Jean Nicolas Arthur Rimbaud. Elle cherche encore.

Il y a 120 ans jour pour jour, Jean Nicolas Arthur Rimbaud nous donna de ses nouvelles - il partait pour l’Hudson River, New York.

Il y a 120 ans jour pour jour, je me souvenais du jour où pour la première fois, Jean Nicolas Arthur Rimbaud m’avait dit - un mot un seul.

Il y a 120 ans jour pour jour, Jean Nicolas Arthur Rimbaud vécut, mourut, et naquit dans le plus grand désordre.



[1images : dernières pages de l’Iconographie fantôme d’Arthur Rimbaud, de Denis Arché, éd.Curandera, 1985