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Réservé à l’affichage électoral | astres morts

Nos ombres mortes de la veille

dimanche 18 juin 2017

Prisonniers des gouttes d’eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches enchantées ne nous touchent plus. À quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisir. Notre bouche est plus sèche que les plages perdues ; nos yeux tournent sans but, sans espoir. Il n’y a plus que ces cafés où nous nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées nos ombres mortes de la veille.

André Breton et Philippe Soupault, Les Champs magnétiques

Nos ombres mortes tombées ces derniers mois tomberont de nouveau toute la journée qu’on dit d’élections : resteront demain, après l’épuisement et le dépit, nos visages et la force des ralliement ; restera le désir d’alcool fort pour relever ce monde et nos ombres ; restera ce qui ne passera pas, restera la folie de se compter, de s’organiser, de s’inventer d’autres lois à défaut d’autres mondes. Sur les affiches électorales, les visages s’effaceront bientôt en lambeaux, et la paroi du monde sera de nouveau livrée à nos délires, à nos puissances, à nos ongles qui pourront dessiner sur la peau les caresses terribles, les épreuves. Restera ce monde comme des épreuves à raturer, et écrire entre les lignes de front, des espaces où frayer : qu’on nomme cela l’amour, puisque c’est tout ce qu’il reste, ou qu’on nomme cela d’un cri, peu importe : restera ce cri et tout autour ce qui s’agrégera pour fabriquer d’autres désirs d’être ici ce qui ne sont pas encore tombés auprès des ombres mortes.


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