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Où l’on enterre les morts | vues de La Grave

D’ici, on est à hauteur des Balkans

samedi 21 août 2021


(si-me-tiê-r’)

1. Le lieu où l’on enterre les morts. Les cimetières ne sont plus permis dans le sein des villes.

Fig. Du corps de ce mutin gisant sur la poussière Le ventre des corbeaux sera le cimetière. [Rotrou, Antigone]

2. Le lieu où la mort frappe et sévit. La ville était devenue un vaste cimetière.


D’ici, on est à hauteur des Balkans, de Voïvodine et de la Mer Noire, en traçant une ligne pleine est, on butterait sur les noms de Bayanhongor, d’Övörhangay, de Dundgovi et de Dornogovi, de Sühbaatar. De l’autre côté, on fait face aux Grandes Plaines, le regard glisserait le long de la frontière entre le Montana et le Wyoming, et par dessus le Lac Michigan, on plongerait dans le lac Huron où toutes les histoires finissent, et d’abord l’Histoire elle-même. C’est ici. On est à mi-chemin entre le Pôle Nord et l’Équateur : on regarde le chemin qu’on ne prendra pas, et on se dirige au seul endroit qui vaille ici, sur la brisure nette du 45e parallèle nord : le cimetière de la Grave.

De là, on ne voit plus rien du monde que les sommets qui autour écrasent et consolent aussi, menacent doucement, frôlent le ciel, qui parfois s’accrochent à lui et alors il pleut.

Le cimetière se contente d’être à hauteur de ce ciel là ; il est comme assemblé autour de lui-même au pied de la Chapelle des Pénitents Blancs. Les noms sont pour la plupart effacés. Il n’y a parfois que des dates. Contre le muret, trois enfants sont allongés dans la terre. Les croix se dressent avec leur arrogance, leur tristesse indicible. Il y a des chiens. La Grave tient son nom du gravier qui ne cesse de tomber des montagnes jusqu’ici : il faut penser à tout ceci sous la neige, mais c’est inimaginable ; on s’éloigne dans cette pensée qui se dérobe sans cesse et pourtant seule importe.


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