arnaud maïsetti | carnets

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signes et analogies (démons)

mardi 29 juin 2010

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Sur la place Camille Julian, il y a cette vieille femme qui arrache, sans émotion — je veux dire sans joie et sans colère — l’une après l’autre, avec ses ongles, geste consciencieux, les affiches sur ce panneau : concerts, réunions publiques, associations.

Tous les jours depuis une semaine — où je viens là lire L’Obélisque noir — je la vois, de loin, avancer d’un bon pas jusque ici, à deux mètres de moi, arracher, simplement arracher ; et repartir.

Ce matin, je l’attends pour la première fois — les autres matins, elle me surprend toujours au milieu de la page, je ne pensais plus à elle, et elle m’interrompt longtemps après son départ — et ce matin précisément, elle ne vient pas ; ne viendra pas, c’est sûr.

Pour la tromper, tromper son attente — l’attente d’elle, de son visage rayé — je lis cette fois L’Archangélique de Bataille

Vêtu de ma sueur de sang
fantôme échevelé de vieille
tes dents le vent les gèlera
alors je les baiserai
tu seras morte

Mais la vieille ne vient plus — et j’ai oublié le visage (je n’ai que ses rides) mas ça ne suffit pas pour oublier le geste, celui qui arrache gravement les affiches — qui seront là, de toute manière, le lendemain ; le reste des jours

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