Accueil > AILLEURS | VOYAGES > De Sydney à Melbourne | La Ligne Bleue
De Sydney à Melbourne | La Ligne Bleue
Longer le bord
jeudi 6 mars 2025

Janvier - juin 2025 : remonter le cours du monde par l’est.
— Le sommaire
– #1. Bangkok, ville furieuse
– #2. Ayutthaya & Sukhothai, ruines de ruines
– #3. Chiang Mai & Chiang Rai, vestiges du Lanna
– #4. Descendre le Mékong
– #5. Luang Prabang, d’or et de cendres
– #6. Nong Khiaw & Muang Ngoi, où va le nord Laos
– #7. Ban Phong Van, sources de l’or blanc
– #8. Xieng Maen, de l’autre côté
– #9. Kuang Si, ce qui tombe
– #10. Le Tak Bat, d’aubes en aubes
– #11. Vang Vieng, refuge de far-east
– #12. Vientiane, capitale intempestive
– #13. Les Quatre Mille Îles, et davantage de ciels
– #14. Champassak, à la lune recommencée
– #15. Phimai, perspectives futures du passé
– #16. Dans la jungle de Khao Yai, fragments sauvages
– #17. Bangkok, derniers feux
– #18. Sydney, dans les reflets, la ville dressée
– #19. De Sydney à Melbourne, la Ligne Bleue
– #20. Melbourne, ville sans promesse
– #21. De Melbourne à Adélaïde, The Great Ocean Road
– #22. Adélaïde, lenteurs et effacements
— Premier jour
— Deuxième jour
— Troisième jour
— Quatrième jour
— Cinquième jour
— Sixième jour
— Septième jour
— Huitième jour
Il n’existe pas, sur les cartes officielles, de route qui porte ce nom. Et pourtant, la Ligne Bleue. Elle commence où les hautes terres s’effondrent dans le ciel, dans les brumes froides des Blue Mountains, et se glisse ensuite dans les méandres de la Grand Pacific Drive, qui s’accroche aux falaises comme au flanc du monde. Elle devient Sea Cliff Bridge, suspendue au-dessus des vagues, puis redescend, route après route — Princes Highway, Batemans Bay Road, Sapphire Coast Drive —, serpentant entre l’océan et les forêts, franchissant la frontière invisible entre les États, laissant derrière elle la Nouvelle-Galles du Sud pour suivre le fil du Victoria. Elle longe les plages vides de Jervis Bay, les lagunes salées d’Eden, le silence du Lakes Entrance et les sables frémissants de Raymond Island. Elle traverse les terres basses jusqu’à Wilsons Promontory, où le continent se penche vers le Sud et le vent efface tout. Elle coupe les dunes du Big Drift, plonge vers Phillip Island, rejoint enfin Melbourne, la verticale surgie des plaines, aux gratte-ciels tendus comme des questions vers un ciel qui ne répond pas. C’est une route sans nom officiel, sans bornes fixes. Une route faite d’étapes et de silences, de regards, de bêtes et de leurs cadavres le long de la chaussée, de ciels changeants. Une route pour marcher, suivre, s’arrêter, repartir.
J1
De Sydney à Katoomba, dans les Blue Mountains de Nouvelle-Galles du Sud, regarder par-dessus la ligne bleue brume de l’horizon le jour se fracasser contre les Three Sisters, tandis que la mer de nuages, aperçue au matin, s’est dissoute sans un bruit par-dessus le grondement des cascades et les gouffres qu’enjambent les téléphériques, et marcher, encore, pour ne pas revenir tout de suite.
J2
De Culburra, se souvenir de la route depuis les Blue Mountains, du Sea Cliff Bridge accroché au flanc de la falaise comme un vertige, des vagues chevauchées par les surfers fracassées sur Hargraves Creek vers Wollongong, et partout la côte découpée et bordée de plages, la nature immense et presque intacte des forêts vallonnées sur quoi le bétail, posé épars, rumine (mais quoi ?) le long de plaines interrompues par quelques villes formées d’une unique rue — et plus loin, le jour tombant sur le Pacifique, les vagues noires soulevant la mer en brume, le ciel en feu — attendre que tout se taise, sans y croire.
J3
De Culburra à Sunshine Bay, vers Batemans, la route longe l’océan, les plages de sable blanc neige presque désertes d’Hyams Beach, et dans l’eau claire ensuite de Boat Harbour, les raies pastenagues qui glissent, lisses et sombres et amples, tout près, indifférentes — sentir la vie sauvage partout, et ne plus bouger, pour mieux l’approcher.
J4
De Batemans Bay à Eden, se laisser surprendre par la route qui serpente vers Narooma et ce rocher en forme d’Australie à travers quoi le ciel se découpe, carte surgie de la mer et de la terre, où les phoques s’endorment sous le vent, tandis que la mer écrase les falaises, comme la rage contre la fatigue, et que la route entraîne vers la lagune de Curalo.
J5
D’Eden au Lake King d’Eagle Point, il faut laisser derrière soi la New South Wales et franchir la frontière du Victoria, le silence de l’eau jusqu’à l’horizon et au-delà, les bras du Mitchell et les sables de Raymond Island sur quoi les koalas font semblant de veiller.
J6
Du Lake King à Yanakie, revoir balancer les herbes hautes du Prom Wild Walk sous les regards alanguis des émeus et les bonds des kangourous surgissants, immobiles et prêts à fuir, le silence tendu de leurs regards, et le soir la mer, montant furieuse, dévorant la plage sans hésiter — échouer à mes pieds de fatigue.
J7
De Wilsons Promontory, traverser la Big Drift, désert blanc sous le vent où chaque pas efface le précédent, dressé entre l’océan et la forêt, avant de reprendre la route vers Phillip Island, la lumière qui tombe sur les champs brûlés, et, dans le crépuscule, au bord de l’eau, apercevoir les hordes de manchots pygmées remonter la plage, trouver un trou et survivre aux oppossums pour la nuit.
J8
D’Anzacs Beach, sur Phillip Island, au matin, sanctuaire du surf aborigène à la pointe extrême sud du monde — devant il n’y a que le Pôle, et puis : rien —, l’horizon découpé de falaises, les vagues immenses dans la marée descendante, à Melbourne, ville vertige qui gratte le ventre du ciel pour le plaisir effrayant de se grandir.









































































































