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Akaora | Échouée à l’horizon
Où l’Histoire s’efface
mercredi 26 mars 2025

Janvier - juin 2025 : remonter le cours du monde par l’est.
— Le sommaire
– #1. Bangkok, ville furieuse
– #2. Ayutthaya & Sukhothai, ruines de ruines
– #3. Chiang Mai & Chiang Rai, vestiges du Lanna
– #4. Descendre le Mékong
– #5. Luang Prabang, d’or et de cendres
– #6. Nong Khiaw & Muang Ngoi, où va le nord Laos
– #7. Ban Phong Van, sources de l’or blanc
– #8. Xieng Maen, de l’autre côté
– #9. Kuang Si, ce qui tombe
– #10. Le Tak Bat, d’aubes en aubes
– #11. Vang Vieng, refuge de far-east
– #12. Vientiane, capitale intempestive
– #13. Les Quatre Mille Îles, et davantage de ciels
– #14. Champassak, à la lune recommencée
– #15. Phimai, perspectives futures du passé
– #16. Dans la jungle de Khao Yai, fragments sauvages
– #17. Bangkok, derniers feux
– #18. Sydney, dans les reflets, la ville dressée
– #19. De Sydney à Melbourne, la Ligne Bleue
– #20. Melbourne, ville sans promesse
– #21. De Melbourne à Adélaïde, The Great Ocean Road
– #22. Adélaïde, lenteurs et effacements
– #23. Vers la Nouvelle-Zélande, enjamber le Pacifique
– #24. Christchurch, sous le ciel renversé
D’Akaroa, enclave française échouée au bout du monde où les rues portent encore des noms d’exil et de conquête, longer le port, voir les cormorans guetter l’horizon, silhouettes noires sur une mer que l’histoire, comme toujours, a prise sans rendre de comptes,
(nous sommes là où la géographie semble n’avoir rien voulu de la promesse d’une colonisation : petit port niché au creux d’un cratère volcanique, au bout d’une péninsule solitaire qui se jette dans les eaux froides du Pacifique oublieuse de la mémoire des Français restée suspendue entre les cimes des montagnes et les vagues sans fin : au-delà des cols, les pentes vertes dévalent jusqu’à la mer, où des bateaux errent fragile dans l’immense des eaux)
tandis que l’air salé s’accroche à la peau, lourd de mémoires anciennes, de rêves avortés, de promesses échappées entre les vagues qui frappent le rivage, là où les pierres, les maisons, les arbres, tout semble à la fois figé et suspendu dans un présent éternellement dérangé par le bruit sourd du passé, le cri lointain des ancêtres perdus dans la brume des siècles, brume qui ne s’épaissit jamais assez pour dissimuler la trace de leurs pas, ces pas qui, ici, n’ont jamais cessé de marcher sur une terre partagée entre oubli et mémoire, entre l’illusion d’une patrie et le gouffre d’un déracinement dont la mer seule détient le secret comme un témoin silencieux qui effleure les promesses déchues et les luttes non résolues, ne laissant derrière lui que l’écho d’une question sans fin :
(en 1838, Jean-François Langlois, vieux loup de mer français, fait une première tentative d’implantation, une promesse d’avenir s’éteint rapidement sous le poids du destin, du vent, et de la mer : si les Français l’avaient trouvée, les Maoris, maîtres de cette terre depuis des siècles, l’avaient déjà façonnée et imprégnée de leur propre histoire et la faisaient vivre sous les murmures de leurs ancêtres, les Ngāi Tahu, qui, eux, habitaient cette péninsule depuis des générations, bien avant l’apparition des voiles blanches.)
pourquoi, toujours, s’échouer ainsi sur ce bout du monde, où l’histoire se fragmente, se fane, se dilue dans une mer qui ne fait jamais qu’engloutir, recouvrir, tout effacer, comme si rien n’avait jamais été, ou comme si tout n’avait été qu’un moment d’égarement entre les vagues, un moment suspendu entre la mémoire des exilés et le silence de la terre oubliée, là où, sur ces rives perdues, il n’y a que la mer pour témoigner de ce qui a été, de ce qui s’est éteint dans l’indifférence du vent, du sel et de l’eau, un silence lourd et épais,
(les Français, dans leur fierté et leur isolement, se croyaient porteurs de l’histoire, mais ils avaient en face d’eux un peuple au-delà des apparences, tissé de traditions et de résistances, qui portait le cri lointain des ancêtres perdus dans la brume des siècles)
une promesse jamais tenue, un rêve qui ne se réalise qu’à moitié, juste assez pour s’effacer dans l’oubli, et laisser derrière lui la même question : pourquoi, ici, à l’extrémité du monde, la terre reste-t-elle indifférente à tout ce qui a tenté de la posséder, de l’habiter, de la comprendre,
(entre les chants des anciens et les révoltes silencieuses des peuples d’ici, qui ont vu leurs vies prises dans le maelström de l’histoire coloniale, il n’y a plus que des vagues)
et pourquoi, toujours, faut-il revenir, encore et encore, sur cette plage battue par le vent, chercher cette réponse qui ne viendra jamais ?




































