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Lima | à travers la Garúa
Rien ne cède
dimanche 13 avril 2025

Janvier - juin 2025 : remonter le cours du monde par l’est.
— Le sommaire
– #1. Bangkok, ville furieuse
– #2. Ayutthaya & Sukhothai, ruines de ruines
– #3. Chiang Mai & Chiang Rai, vestiges du Lanna
– #4. Descendre le Mékong
– #5. Luang Prabang, d’or et de cendres
– #6. Nong Khiaw & Muang Ngoi, où va le nord Laos
– #7. Ban Phong Van, sources de l’or blanc
– #8. Xieng Maen, de l’autre côté
– #9. Kuang Si, ce qui tombe
– #10. Le Tak Bat, d’aubes en aubes
– #11. Vang Vieng, refuge de far-east
– #12. Vientiane, capitale intempestive
– #13. Les Quatre Mille Îles, et davantage de ciels
– #14. Champassak, à la lune recommencée
– #15. Phimai, perspectives futures du passé
– #16. Dans la jungle de Khao Yai, fragments sauvages
– #17. Bangkok, derniers feux
– #18. Sydney, dans les reflets, la ville dressée
– #19. De Sydney à Melbourne, la Ligne Bleue
– #20. Melbourne, ville sans promesse
– #21. De Melbourne à Adélaïde, The Great Ocean Road
– #22. Adélaïde, lenteurs et effacements
– #23. Vers la Nouvelle-Zélande, enjamber le Pacifique
– #24. Christchurch, sous le ciel renversé
– #25. Akaora, échouée à l’horizon
– #26. Taylors Mistake, sauf erreur
– #27. Hanmer Springs, la brume et l’échappée
La nuit s’est diluée dans l’épuisement du jetlag — depuis la Nouvelle-Zélande, enjamber le Pacifique, s’arrêter une nuit à Santiago sans rien voir de la ville, et s’envoler de nouveau, longer la mer et la cordillère des Andes, passer entre les deux pour sauter plus haut encore, vers Lima, là où la terre cesse de ressembler au monde.
Alors de Lima, du Pérou, tout m’éclate au visage — chaleur suspendue, garúa sale, grondement continu des klaxons, visages serrés, poussière, cris, corps lancés dans l’agitation, regards droits, murs lépreux, rues sans bords, pas de centre, rien ne cède, tout pousse, tout insiste, tout continue.
Dans le bus, les noms de quartiers résonnent comme des cartes effrangées : Faucett, Zapallal, Covida. Dans les rues, peinture criarde ou effacée, fresques murales aux couleurs vives, tôle rouillée, béton nu. La statue d’une Vierge semble veiller sur un carrefour qui ne croit plus à rien. Plus loin, sur les murs : PROGRESAMOS TODOS — tous ensemble vers un progrès introuvable, lancé comme une promesse en fuite.
L’air pèse, chaque rue s’ouvre sur une autre plus bruyante et dense, chats errants, visages bruns, regards fiers, et dans le désordre, passent encore les ombres — sous les cris, Pizarro ; sous les pierres, Atahualpa ; le rêve d’un soudard devenu cette ville immense, disloquée, offerte à personne.
De Lima, le 13 avril, ville disjointe et morcelée en quartiers comme autant d’îles sans ponts, posée par morceaux sur la falaise et la poussière — traversée de bruits et de brumes, impossible à saisir d’un seul regard, éclatée dans toutes ses directions.
D’abord Miraflores, quartier-hauteur tendu entre les tours lisses et l’océan muet, qui se déploie en lignes nettes, promenades suspendues, pelouses taillées, luxe caché sous les barbelés – derrière les façades sans rides, quelque chose d’inavoué dans la façon de tenir le monde à distance.
Et plus bas, Barranco ouvre un autre visage --- quartier de traverses, de murs peints, de vie lente et de chaleur qui colle, tout semble ici peint à la main et hauteur d’hommes et de femmes, les couleurs débordent, les pas résonnent, et dans ce désordre vivant, Lima commence à dire son nom.



































































